dimanche 25 septembre 2022

 Les petits bouts de dialogue que nous avons pu avoir, monsieur Nuit et moi, sont aussi furtifs que des rendez-vous de moineaux ; imprévus mais venant à point. Comme si on avait disposé toutes les pièces du jeu – les arbres, la couleur du ciel, le souffle de l’air, l’ombre du nuage – juste pour ce bref événement, pour cette soudaine magie : monsieur Nuit et moi, oiseaux parmi les oiseaux, ailes ouvertes dans l’immensité.
Cela ne dure pas mais nous débarrasse de la durée. Je mesure toute la science de monsieur Nuit ; c’est lui, toujours, qui disparaît le premier. Il se sait impromptu, éphémère, disparate. Il est un visiteur du jour, un cri de geai dans la forêt, un parfum d’aubépine. Monsieur Nuit n’est monsieur que pour moi.
Je l’ai cassé comme un jouet. Je le remonte, je le recolle, je l’articule. Monsieur Nuit est un violon et une poupée, monsieur Nuit a posé son sac et tout y était, tout le nécessaire à mes désirs.
C’est seulement lorsque je dors, qu’il me confond.
À l’heure de midi, un cyprès merveilleusement noir – un brou de vert au soleil mêlé, touché de jaune forestier – se tient droit dans le bleu du ciel qui l’entoure de ses bras et le troue de grands yeux comme des lacs.
Une mouette tranquille passe au-dessus de nous, inattendue, large, blanche et marquée de noir au bout des ailes.

 Journal de la rivière 10