dimanche 25 septembre 2022

La rivière se plaint. La rivière est enceinte.  Elle gémit sous la poussée qui l’enfle, son ventre est plein. Elle voudrait un pêcheur qui l’aide, qui lui prenne l’enfant.
C’est une baleine, une abominable et tendre baleine verte et noire. Elle s’écrasera sur la terre et la terre la mangera. Et elle, mangera la terre en descendant, jusque dans ses moindres recoins.
Et bientôt la rivière sautera sur son lit, légèrement, à petits bonds. Comme pour saluer le Soleil, son roi.

J’écris ces lignes, et quand j’y retourne, l’après-midi même, je la trouve étonnamment calme, apaisée, plate comme la mer et scintillante de milliers de petits bâtonnets de lumière. Une belle rivière, comme on peut en voir en septembre, avec un canot à moteur qui passe et la coiffe de remous ondoyants.
Je la regarde avec un vrai plaisir, dépourvue de sa fascination dont elle ne me lâchait pas depuis des semaines.
Et je comprends qu’elle n’avait pas été enceinte, mais que c’est moi qui l’étais d’elle.

Journal de la rivière 4