Elle est d'un vert mat, laiteux, sans reflet sous le ciel mais intensément coloré. J'ajoute cette page au journal de la rivière.
Elle
est ici dans une de ses plus grandes largeurs — juste avant le Pont
Vieux, qui a quatre arches de pierre, depuis le moyen-âge, elle n'est
plus très loin de sa confluence.
Ce vieux journal se laisse maintenant
imaginer comme le pavement du square sous mes yeux : ses innombrables
petits cubes de pierre ocres roux ou gris, orangés ou bleutés, piquetés
de blanc, de rose, tachés de brun ou de rouille, dont aucun n'est
identique à l'autre, formant des lignes courbes qui se suivent,
s'organisent en vagues, en rémiges, en éventails qui semblent parcourus
de brise et onduler comme une rivière. Quelques feuilles mortes s'y
promènent, y font de courtes danses, de sèches musiques, des mimes
arrêtés dans des positions fantasques. Le journal de la rivière a jeté
toutes ses pages au vent, à l'eau, au sol, toutes différentes,
toutes uniques mais toutes remplacées et renouvelées chaque jour.
Pourtant elles n'ont que quelques mots toujours les mêmes pour définir
leurs couleurs, leurs nuances, le regard qu'elles jettent au ciel, les
pensées qu'elles reflètent.
Dario à côté de moi me surprend : cette couleur, dit-il, est due à la vie intense qui est au-dessous. Je n'y avais pas pensé.
Journal de la rivière